À l’occasion de la réalisation de son premier CD, la pianiste Nelly Ress rend hommage à la musique de Clara Schumann et d’Henri Dutilleux dans une interprétation musicale brillante pleine d’esthétisme.
Comment as-tu commencé le piano ?
Le piano a toujours été mon instrument de prédilection pour son timbre et ses possibilités polyphoniques. On peut aussi dire qu’il y a chez moi une forme d’obsession concernant le défi que cela peut représenter. Geste et langage musical font partie du quotidien. J’ai conscience que c’est une chance de pouvoir s’offrir par le travail le pouvoir de partager une idée de beauté esthétique. Je me suis dirigée vers un parcours professionnalisant menant aux diplômes de l’université, conservatoire, et académie supérieure de musique afin de construire ma vie de musicienne. Je peux dire aujourd’hui que ces rencontres passionnantes m’ont permis de me diriger vers l’interprétation musicale.
Retrouve-t-on selon toi l’influence de Field et Chopin dans le nocturne de Clara Schumann qui ouvre ton disque ?
On peut rapprocher ce nocturne de la novelette n° 8 de Robert Schumann car on y retrouve le même thème, presque pudiquement caché au milieu de cette novelette.
Field fut l’inventeur du nocturne. Chopin lui a donné ses lettres de noblesse au point que l’on met peut-être dans l’ombre d’autres nocturnes pourtant magnifiques de cette même époque.
L’influence de Chopin et Field est donc présente dans ce nocturne, et en particulier certains nocturnes de chopin dont la mélodie est étirée dans le temps : nocturne opus 27 n° 1 en Do dièse mineur (Ut dièse pour satisfaire tout le monde), ou son fameux nocturne posthume dans la même tonalité.
Certaines oeuvres de Clara Schumann, notamment son Concerto pour piano, ont été fortement et injustement critiquées à son époque. Le regard sur sa musique, et celle des femmes compositrices en général, a-t-il changé aujourd’hui selon toi ?
Même si la critique acerbe est courante dans l’histoire de la musique, surajouter du sexisme n’est jamais un argument recevable, et pourtant, c’est arrivé de manière insidieuse dans bien des cas. Je pense que les choses changent dans le bon sens petit à petit, et concernant ma génération, surtout depuis deux ans. Clara Schumann a montré ses brillantes capacités musicales en tant que pianiste, sans jamais faiblir tout en menant une vie de famille, ce qui relève de l’exploit à une époque comme celle-là. Comme dirait Daniel Baremboim « Tout chef d’oeuvre présente deux faces : l’une est résolument de son époque, et l’autre tournée vers l’avenir ». Concernant la critique musicale, on pourrait dire que Clara elle-même n’a pas été très tendre avec Franz Liszt quand il lui a joué sa sonate.
Les pièces miniatures pour piano sont souvent négligées des interprètes. Pourquoi avoir choisi le cycle ‘‘Au gré des ondes’’ d’Henri Dutilleux ?
J’avais déjà eu l’occasion de travailler de courtes pièces, avec les 12 notations de Pierre Boulez. J’aime ce format pour l’inspiration que cela offre notamment, et je suis certaine que le format court est bien à sa place dans notre époque. Henri Dutilleux a été directeur d’une maison de radio. Ce n’est pas lui qui a regroupé ces six œuvres, le titre a été ajouté après. Il fait référence aux multiples pièces qu’il avait composées pour la radio, car il y en a bien d’autres. J’aime les compositeurs qui selon moi, ont compris leur époque.
Certaines pièces présentent-t-elles des difficultés particulières ?
L’erreur serait de donner ces pièces à des pianistes parfois trop jeunes car on se dit que c’est court et pas trop virtuose.
J’ai voulu réunir ces deux oeuvres dans un CD, pour une raison principale, et cette citation de 1915 par le compositeur Gabriel Fauré le résume : « L’effroyable tempête que nous traversons nous rendra-t-elle à nous-même en nous rendant notre sens commun, c’est à dire le goût de la clarté dans la pensée, de la sobriété et de la pureté dans la forme, le dédain du gros effet! »
Comment s’est déroulée la session d’enregistrement de ton disque ? As-tu fait plusieurs prises ?
Au départ j’ai été surprise par la façon d’enregistrer : avec un casque, sur un clavier maître. Je ne connaissais que les pianos acoustiques (droits et à queue) et les pianos électriques. La mécanique m’a rassurée et cela m’a surprise d’avoir pu enregistrer en une prise le nocturne et les pièces de Dutilleux.
Que penses-tu des instruments modélisés et notamment du Steinway B sur lequel tu as enregistré ?
Les instruments modélisés permettent d’enregistrer sur des instruments que j’aurai rarement l’occasion de jouer dans une pièce de 10 m2 ! Il faut avouer que le rendu est bluffant, les sons réels peuvent êtres modulés dans des acoustiques totalement maîtrisées et variées.
À PROPOS DE NELLY RESS
Lire la biographie : https://piano-talents-series.com/nelly-ress/
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CD complet : https://www.youtube.com/watch?v=pnccX6_LXdg